Poustynniki (Les Ermites)

Gontcharova collabore avec le poète russe futuriste Alexeï Kroutchenykh pour l’un de ses romans épiques édité en 1913. Cette lithographie fait partie d’un ensemble de 9 illustrations, tirées à part, sans texte, et provient de l’ancienne collection de Guillaume Apollinaire. Les deux poèmes qui composent Poustynniki [Les Ermites] décrivent de manière subversive la vie des saints tiraillés entre ascèse et tentations. Gontcharova réalise une série de quinze gravures allégoriques et mystiques pour accompagner le texte (la couverture est de Larionov). L’artiste puise librement son inspiration dans le répertoire des icônes byzantines et de l’art folklorique russe.
Dessinées, d’un trait vigoureux et épais, deux figures féminines, l’une de face, l’autre de profil, sont saisies par le rythme d’une danse. Leurs corps occupent tout l’espace. Le jeu des noirs et des blancs, des vides et des pleins, l’imbrication des jambes, créent un effet fortement contrasté. De même que les textes associés sont expérimentaux parfois phonétiques, évoquant dit-on, des chants paysans, le dessin n’illustre pas les propos écrits mais se veut un élément poétique complémentaire et à part entière. La force graphique de la ligne et des contrastes témoigne de la pleine maîtrise du procédé lithographique. Le travail de Gontcharova salué par Apollinaire lors de l’exposition à la galerie Paul Guillaume en 1914 s’inscrit dans une dynamique de recherche et d’expérimentation où le livre illustré devient un véritable laboratoire d’idées et de formes.