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Cette peinture signée Raoul Dufy représente l’intérieur de son atelier situé au 5, impasse Guelma, à Paris. La scène se déploie en une composition architecturale complexe, où les portes ouvertes, les fenêtres et les cadres s’imbriquent comme un jeu de perspectives successives. À gauche, les murs sont habillés de papiers peints floraux rouges sur fond rose, et un couloir mène vers une pièce plus chaude, baignée d’ocre, où une toile rouge sur un chevalet semble capter le regard. Au sol, un tapis orné de motifs floraux renforce la sensation de confort intime. La partie droite du tableau s’ouvre sur un espace baigné de bleu clair, dominé par la lumière qui entre par une verrière ouverte sur la ville. Les immeubles parisiens se reflètent à travers les vitres dans des tons orangés, créant un contraste vibrant avec les murs bleutés de l’atelier. Au premier plan, une petite table ronde porte une palette, seul élément circulaire au sein de cette composition orthogonale. Ce tableau est à la fois un portrait mental de Dufy et un manifeste de son art : lumière, couleurs franches, géométrie vivante et ouverture sur l’extérieur. Le bleu, couleur signature du peintre, devient ici un climat à part entière, capable d’absorber les autres teintes sans les éteindre, et de faire circuler la vie dans un espace sans figure humaine mais profondément habité.

Focus sur... « L’Atelier de l’impasse Guelma », de Raoul Dufy

Au pied de la butte Montmartre, au 5, impasse Guelma, le peintre Raoul Dufy (1877-1953) a peint pendant plus de quarante ans un univers de lignes claires et de bleus vibrants. Avec L’Atelier de l’impasse Guelma, constitutif d’une série composée de tableaux spectaculaires de grand format, il représente son espace de travail comme une scène lumineuse où la ville s’invite par la verrière. Une œuvre à découvrir le 1er octobre 2025 à la médiathèque Jean Cocteau de Massy (Essonne). 

± 3 min

En 1911, Raoul Dufy s’installe au pied de la butte Montmartre. Le vaste atelier est surmonté d’une immense verrière. Plus qu’un décor, c’est une véritable machine à lumière. À certaines heures, Paris se reflète dans de chaleureux tons ocres et rouges le long du bleu des murs. Jamais clos, l’espace de l’atelier respire ainsi au rythme de la ville.


Chez Dufy, les vues d’atelier forment un thème à part entière. Elles lui permettent de tenir ensemble l’intime (la table, la palette, les cadres) et l’extérieur (la lumière, la rumeur urbaine). Pendant l’Occupation, lorsqu’il travaille à Perpignan, ce motif resurgit : peu importe la ville, Dufy commence par apprivoiser le lieu — puis il le peint.

 

Repères chronologiques

1911 — Dufy s’installe au 5, impasse Guelma (Montmartre) // Années 1910–1930 — Multiples vues d’ateliers, variations sur la lumière et la couleur // 1940–1944 — Perpignan : ateliers temporaires, nouvelles déclinaisons du motif // 1953 — Disparition de l’artiste ; l’atelier de l’impasse Guelma reste l’un de ses lieux emblématiques

Dans cette œuvre, le bleu domine. C’est la signature de la pièce, mais aussi un climat : une couleur-air, qu’on respire. Loin d’étouffer les autres tonalités, elle les fait vibrer. Le bleu accueille les ocres et les rouges venus de la rue, dehors et dedans se mélangent par le prisme de la verrière.

 

Dufy structure son tableau par une enfilade de fenêtres, portes, cadres et tapis. Carrés, rectangles, trapèzes s’imbriquent comme un jeu d’architecture. Pourtant, une touche souple et expressive allège la construction. Cette tension — rigueur de la composition, liberté du geste — donne au regard un rythme, presque une musique.

 

Cette tension — rigueur de la composition, liberté du geste — donne au regard un rythme, presque une musique.

 

L’Atelier de l’impasse Guelma ne montre ni modèle, ni autoportrait frontal. Et pourtant, tout y parle du peintre : son goût pour la lumière franche, son sens de la composition claire, sa manière d’ouvrir les intérieurs comme autant de fenêtres sur le monde. L’artiste n’apparaît pas ; c’est l’atelier qui raconte sa présence.

 

Avec son œuvre, Dufy montre comment un lieu de travail devient une forme : un système de lignes, de plans et de couleurs où la vie circule. Le tableau réussit ce paradoxe : être construit sans être raide, lumineux sans être tonitruant, intime tout en restant ouvert. L’atelier, chez Dufy, n’est pas un secret ; c’est une fenêtre. ◼

Voyons ça de plus près…

  • La palette posée sur le petit guéridon : seule forme circulaire au premier plan, elle déjoue le règne des lignes droites
  • Les traces de pinceau dans les aplats : une surface calme, mais jamais figée
  • Le passage de la lumière d’un plan à l’autre : une mise en scène discrète du temps qui traverse la pièce