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« De la violence en Amérique » : miroirs d'une nation au cinéma

En janvier 2026, le Centre Pompidou propose avec « De la violence en Amérique » une réactivation de « Violent America », un cycle cinéma conçu par le critique d'art Lawrence Alloway en 1969 – et depuis devenu culte. Présenté à l'origine au MoMA de New York, « Violent America » explorait la violence au cœur de l’imaginaire américain. Entre classiques hollywoodiens (Orson Welles, Douglas Sirk) et films expérimentaux (Jonas Mekas, Jack Smith), « De la violence en Amérique » interroge la persistance de ces images à l'ère de Donald Trump. Présentation.

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Présenté au mk2 bibliothèque × Centre Pompidou, le cycle « De la violence en Amérique » prend ses racines dans celui qu’avait conçu Lawrence Alloway pour le Museum of Modern Art (MoMA) de New York en 1969. Intitulé Violent America, ce programme au titre provocateur et visionnaire, réunissant trente-quatre films produits entre 1946 et 1964 – westerns, films noirs, de gangsters ou de guerre –, proposait une réflexion inédite sur la place de la violence dans la culture américaine. À l’heure où les États-Unis s’apprêtent à célébrer la première année au pouvoir de Donald Trump, sa relecture résonne avec une acuité troublante.

Critique d’art et théoricien majeur du pop art, Lawrence Alloway (1926–1990) voyait dans le cinéma un miroir collectif plutôt qu’une somme d’œuvres isolées. Pour lui, les films ne sont pas des unica, mais des typica : des produits emblématiques de la culture de masse, façonnés autant par les réalisateurs que par les producteurs, les acteurs ou le public lui-même. Son approche iconologique s’intéresse moins au chef-d’œuvre qu’aux conventions : figures de l’anti-héros, tueurs à gages, femmes fatales, soldats ou marginaux forment une mythologie moderne, un langage commun par lequel l’Amérique s’observe et se met en scène.

 

Figures de l’anti-héros, tueurs à gages, femmes fatales, soldats ou marginaux forment une mythologie moderne, un langage commun par lequel l’Amérique s’observe et se met en scène.

 

Lorsqu’il conçoit Violent America, Alloway ne cherche pas à dénoncer la violence mais à la comprendre : il affirme qu’elle n’est pas un excès, ni une dérive, mais l’un des fondements constitutifs de la nation américaine. À l’instar d’Andy Warhol, qui quelques années auparavant entamait sa série Death and Disasters (dont le Centre Pompidou conserve en collection l’œuvre Big Electric Chair, 1967–1968), Alloway perçoit dans les images de guerre et de mort développées dans les films d’action, l’envers obscur de l’organisation sociale fondée non sur le droit, mais sur l’exercice de la force.

Évoquer ce programme aujourd’hui, dans un contexte politique et social où la rhétorique de la puissance et la fascination pour les armes réinvestissent l’espace public, permet d’interroger, en se tournant vers le passé, la persistance de cette pulsion mortifère que continuent de véhiculer les images de cinéma. Entre histoire et actualité, cette enquête sur la violence en Amérique par le prisme de ses films se propose comme un outil critique, un miroir tendu à une Amérique qui, de John Ford à Donald Trump, n’a jamais cessé de mettre en scène sa propre mythologie virile et meurtrière.

 

Ce cycle propose un regard croisé et inédit entre le classisme hollywoodien qui avait fasciné l’historien d’art et la production cinématographique underground et expérimentale conservée dans la collection du Centre Pompidou.

 

Organisé à l’occasion de la parution de l’ouvrage Violent America : Les Films (1946–1964) aux éditions Macula, premier ouvrage de Lawrence Alloway traduit en français, ce cycle propose un regard croisé et inédit entre le classisme hollywoodien qui avait fasciné l’historien d’art et la production cinématographique underground et expérimentale conservée dans la collection du Centre Pompidou, qui a traité, en dehors des conventions narratives imposées par les studios, de la violence en Amérique. Le cinéaste Ken Jacobs, récemment disparu, est particulièrement célébré, ainsi que les films de Jack Smith, de Bruce Conner, Maya Deren, Carolee Schneemann et d’autres figures expérimentales dont les œuvres, entre provocation et liberté formelle, dialoguent avec les interrogations d’Alloway sur la culture de masse et la représentation de la violence.

 

Rencontres et débats accompagnent ce cycle afin d’explorer les résonances actuelles de ces images — entre mythologie nationale, spectacle de la brutalité et dérives d’une société fascinée par sa propre puissance. ◼