Skip to main content

Focus sur... « Men in the Cities » de Robert Longo

Oscillant entre danse et chute, les silhouettes en costume de la série Men in the Cities, de Robert Longo, sont parmi les plus connues de l'artiste américain. Réalisés au début des années 1980, au fusain et d'après photographies, les trois panneaux monumentaux forment un triptyque indissociable. Ils ont rejoint la collection du Musée en 2000 — un don de Robert Longo lui-même. Alors que démarre ces jours prochains au Grand Palais « Dessins sans limite », une exposition événement qui puise dans les trésors du Cabinet d'art graphique du Centre Pompidou, retour sur une série d'œuvres qui a largement influencé la pop culture, des pubs pour l'iPod à la mode d'Hedi Slimane.

± 4 min

En 1979, l’artiste multimédia Robert Longo (né en 1953) décide de concurrencer l’industrie culturelle en produisant ses propres archétypes d’une violence contemporaine, urbaine, glacée et glamour. Sur le toit de son atelier new-yorkais, il convoque devant un objectif photographique des proches, auxquels il envoie des objets, telles des balles de tennis. De ces séances, l’artiste tire une cinquantaine de grands dessins au fusain sur fond blanc, sur lesquels se découpent des hommes et des femmes suspendu·es dans le temps et dans l’espace, surpris·es dans des contorsions corporelles diverses, enserré·es dans des costumes-cravates et des tailleurs.

 

Le public américain a toujours été fasciné par les photographies authentiques de morts ou de gens en train de mourir, mais lorsque les films et la télévision ont fait leur apparition, ils ont donné une version stylisée de ces images. La façon dont les gens meurent dans les films a fini par remplacer la danse et le sport. 

Robert Longo

 

À l’origine de la série Men in the Cities se trouve la vision de deux gangsters abattus dans le film Le Soldat américain de Rainer W. Fassbinder (1970), séquence dans laquelle la mort passe derrière la photogénie du dernier instant. Les corps sont touchés par des balles invisibles, mais le filtre du cinéma transforme la chute en un instant de grâce. « Je pense que le public américain a toujours été fasciné par les photographies authentiques de morts ou de gens en train de mourir », explique Longo en 1986, « mais lorsque les films et la télévision ont fait leur apparition, ils ont donné une version stylisée de ces images. La façon dont les gens meurent dans les films a fini par remplacer la danse et le sport. » 

Achevées en 1982, et souvent exposées en séries, les séquences rythmiques des triptyques Men in the Cities évoquent aussi bien les chronophotographies de cobayes en mouvement d’Eadweard J. Muybridge (Man Ascending Stairs, 1884-1885) que la progression harmonique d’un morceau de rock. Les silhouettes corporelles noires, découpées comme à la hache – yuppies foudroyés par la sentence du capital ou danseurs électrifiés, presque décapités –, qui sont dessinées sur les trois panneaux du triptyque de la collection du Musée ont été réunies par l’artiste en 2000, comme pour marquer la fin d’un récit, et prouver la valeur de logo archétypal de ces figures – celle d’« images d’images », avance Robert Longo. ◼