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Ceux qui ont faim

1932

Natalia Gontcharova

Des rangées d’hommes stationnent de dos devant un large portail qui les sépare de bâtiments industriels. Semblables dans leur habillement, leur taille et leur gestuelle, ces hommes font bloc. Derrière la grille, le gardien de l’usine essaie de faire barrage, mais un halo de lumière les entoure et donne l’impression de crever le portail. À bien y regarder, le rendu de l’espace ne s’inscrit pas dans une logique réaliste. Natalia Gontcharova utilise plusieurs perspectives. Son dessin est pourtant simple et direct. Légèrement crayonné d’une manière libre, il est repris au trait souple du pinceau et de l’encre de Chine.
Ce dessin est paru en première de couverture du Populaire, revue socialiste et internationaliste, organe de la SFIO, fondée en 1916. Il fait partie d’une série destinée à illustrer un « reportage romancé » d’Albert Soulillou (le patronyme est mal orthographié dans la revue...) ancien ouvrier chez Ford. Ce témoignage intitulé « Autour de la Chaîne » est publié du 21 au 29 août 1932. La France est alors atteinte par la crise économique mondiale. Le chômage augmente. Les agriculteurs et les ouvriers souffrent et manifestent.
Gontcharova, installée à Paris depuis une quinzaine d’années, contribue en tant qu’illustratrice au journal socialiste Le Populaire
L’œuvre de Gontcharova fait corps avec le texte de Soulillou qui, dans le premier numéro du reportage, évoque l’arrivée d’une « foule » d’ouvriers et de chômeurs devant les grilles de l’usine. Les hommes « apprécient la netteté des constructions de ciment » de l’usine « claire, vaste, majestueuse de façade ». Mais Soulillou parle surtout de « leur fatigue » et de « leur tristesse ». Les chômeurs « obstruent » le portail, le gardien les repousse. « Il y a maintenant des portes de fer entre leur espoir et eux. » 
La collection du Musée national d’art moderne possède d’autres exemplaires de la même année comme la série Bon pour la chaîne.