Kreuz (Croix)

Arnuf Rainer s’est fait connaître par ses autoportraits grimaçants maculés de peinture, dont le Mnam possède plusieurs exemples appartenant à différentes séries. L’artiste, qui s’intéresse à l’univers psychiatrique depuis les années 1950, participe au cours de la décennie suivante à des expériences médicales portant sur les effets psychotiques de la drogue. Défendant alors la valeur expressive des gestes et expressions caractéristiques de certains désordres psychiques, il commence à les reproduire, la nuit, devant l’objectif immobile et indifférent d’un photomaton de la gare de Vienne (Wienerwestbahnhof) – ce sera ensuite face à un photographe professionnel. Puis, Rainer leur ajoute une dimension picturale en dessinant ou en peignant par-dessus, cette occultation de l’image symbolisant la mort, vérité ultime qui demeure toujours masquée au regard des vivants. Ce thème funèbre, ainsi que le procédé consistant à recouvrir, parfois jusqu’à les effacer totalement, des images déjà existantes – tout d’abord des reproductions d’œuvres d’art, puis des travaux d’autres artistes (notamment de Sam Francis, de Georges Mathieu ou de Victor Vasarely), des photographies, des dessins – se retrouvent dans ses « Übermalungen » [« Peintures recouvertes »] exécutées entre 1954 et 1965. Ici, les couches de peinture noire sont superposées sur une croix. Rainer applique cette pratique du « recouvrement » à un ensemble réalisé autour du même motif, retravaillant certaines œuvres jusqu’en 1980.

Alain Sayag

Source :
Extrait du catalogue Collection art contemporain - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne , sous la direction de Sophie Duplaix, Paris, Centre Pompidou, 2007