Artiste/personnalité
Yayoi Kusama
Plasticien

Yayoi Kusama
Plasticien
Nationalité japonaise
Naissance : 1929, Matsumoto (Japon)
Lieu(x) de résidence/d'activité : Tokyo (Japon)
© Yayoi Kusama
Biographie
Née au Japon en 1929 dans un environnement rural et, d’après ses propres dires, au sein d’une famille toxique, Yayoi Kusama est à l’origine d’une œuvre atypique et radicale toujours adressée au corps du spectateur auquel elle tente de transmettre ses propres visions hallucinatoires. À celle qui affirme que « peindre était la seule façon de [se] garder en vie », et qui explore des médiums aussi variés que la peinture, la poésie, la performance et l’installation monumentale, le Centre Pompidou a consacré en 2012 une grande rétrospective. Cette exposition a ainsi participé de la réhabilitation tardive de cette œuvre obsessionnelle dont il est crucial de saisir la charge libertaire, critique et féministe.
Yayoi Kusama a souvent raconté ce même souvenir d’enfance : un jour, elle voit le motif de fleurs rouges de la nappe familiale s’étendre au plafond, aux murs, à toute la pièce, jusqu’à ses propres bras. De ce trauma initial, qui se solde par un séjour à l’hôpital, elle garde la peur viscérale de se voir « auto-anéantie ». Ce concept de Self-Obliteration devient le fil rouge de ses œuvres, celles-ci représentant son seul recours contre l’angoisse et la seule réponse possible à sa « compulsion à réaliser l'image répétitive qui est en [elle]. » Dès l’âge de 10 ans, elle se met à dessiner ces visions ; mais son attrait pour l’art est contrarié par ses parents et, en général, par un environnement culturel qui interdit aux femmes d’être artistes. Elle étudie l’art à Kyoto, puis arrive à Tokyo dans les années 1950 où elle découvre l’art contemporain occidental. Frustrée par l’enseignement traditionnel reçu au Japon, de plus en plus isolée, elle émigre à New York à 29 ans - un exil qui libère en elle un élan de vie et de colère.
À New York, elle découvre la peinture abstraite, ce dont témoignent ses premières peintures, la série de grands formats immersifs des Infinity Nets. Puis, à partir de 1962, elle s’approprie des objets trouvés sur les trottoirs qu’elle recouvre de formes phalliques en tissu, comme pour l’œuvre My Flower Bed (1962) dans laquelle l’artiste aimait se lover. Pendant ses quinze années new-yorkaises, Yayoi Kusama va ainsi traverser et bouleverser tous les mouvements d’avant-garde : Pop Art, Action Painting, Body Art… En 1966, année charnière, Yayoi Kusama conçoit ses premiers environnements, dans lesquels elle apparaît souvent nue. En 1969, elle organise une manifestation-orgie contre la guerre du Vietnam dans le jardin du Museum of Modern Art de New York avec un groupe de jeunes gens nus couverts de points de couleur. Ses détracteurs la disent obsédée par la célébrité, tandis que dans son Japon natal, on crie au scandale. Mais ce que Kusama fait exploser en utilisant consciemment les ressorts de la publicité, c’est le carcan du moralisme et des interdits faits aux femmes. En 1965, elle crée l’environnement Infinity Mirror Room (1965), dans lequel elle associe des miroirs aux murs et les excroissances phalliques recouvertes de points devenues sa signature, dans une salle close où le spectateur perd la notion du temps et de l’espace.
Malgré cette énergie débordante, elle rencontre des difficultés à s’établir à New York et fait le choix de rentrer au Japon en 1973. À la suite d’une succession d’événements douloureux, en 1977 elle se fait interner dans une institution psychiatrique où elle continue à travailler sans trêve. Devenue aujourd’hui la plasticienne japonaise la plus célèbre au monde, Yayoi Kusama, depuis ses premiers dessins jusqu’aux récentes installations monumentales comme ses stupéfiantes Fireflies on the Water (2002, Whitney Museum of American Art, New York), a su mettre ses hallucinations, et son enfance, au cœur de son travail.